Voici l’essentiel à savoir sur le scandale Absolute Poker, la plus grosse affaire de triche qu’ait connu le poker en ligne.
Scandale Absolute poker : le résumé de l’affaire
Entre 2004 et 2008, les sites Absolute Poker et Ultimate Bet ont été le théâtre d’une gigantesque escroquerie.
Des joueurs ayant accès à des comptes « SupeUser » (qui permettent de voir les cartes des autres personnes autour de la table) en ont profité pour piller les gains d’autres utilisateurs dans des parties truquées.
Résultats : entre 16 et 18 millions de dollars détournés. Parmi les protagonistes de l’affaire, on retrouve :
- Russ Hamilton : ancien propriétaire du site Ultimate Bet
- Greg Pierson : ancien PDG d’ieLogic, le développeur du logiciel d’UB
- Daniel Friedberg : ancien avocat d’UB
- POTRIPPER : principal joueur au centre du scandale
Les soupçons révélés en 2007
Une poignée de joueurs commencent à se plaindre d’Absolute Poker sur les forums dès 2007. Ils accusent certains utilisateurs d’avoir accès à un God Mode (compte qui permet de voir les cartes des autres) et ainsi planifier leurs actions en conséquence.
Parmi les noms qui reviennent incessamment : « POTRIPPER », un joueur quasi inconnu qui s’est illustré de manière douteuse sur des MTT à fort enjeu.
Les gains de POTRIPPER au centre des débats
En septembre 2007, POTRIPPER remporte un tournoi à 100 000 $ garantis, et ce alors qu’il n’avait participé qu’à 3 petits tournois sur le site.
Lors de la dernière main contre Marco « CrazyMarco » Johnson, il fait all-in avec seulement un dix. Coup de génie ? De folie ? Triche ? Quoi qu’il en soit, c’est un coup difficile à expliquer.
D’autres joueurs font remonter leurs soupçons : selon eux, POTRIPPER a joué de manière suspecte sur l’ensemble du tournoi.
Johnson demande alors un historique de la finale. Le site lui envoie par erreur un fichier Excel avec l’ensemble des mains jouées par POTRIPPER sur plusieurs mois. Une aubaine.
L’affaire est rendue publique
CrazyMarco poste le fichier sur le forum twoplustwo. La cocotte n’est pas loin d’exploser.
Certains joueurs analysent alors eux-mêmes le contenu du fichier car le site refuse de le faire. L’évidence saute aux yeux : POTRIPPER a triché.
Nouvelles révélations : d’autres joueurs se plaignent d’avoir été victimes du même type de malversations, cette fois sur Ultimate Bet, une room qui appartient au même groupe d’Absolute Poker.
Le scandale éclate. Sur le document Excel, une adresse e-mail et IP pointe vers une maison située au Costa Rica, qui appartient à Tom Scott le fondateur d’Absolute Poker. La maison avait été vendue en 2006, mais Scott a continué de l’administrer jusqu’à la fin 2007.
Absolute Poker est obligé de réagir
Face à ces preuves, Absolute Poker lance un vaste audit de sa plateforme et est contraint d’admettre qu’il y a eu une tricherie à grande échelle. Des employés ont mis en place un système secret pour donner un avantage injuste à certains joueurs.
Même si l’existence d’un God Mode n’a pas été prouvée, l’audit a permis d’identifier 7 comptes tricheurs : POTRIPPER, Graycat, Steamroller, Doubledrag, Payup, Supercard55 et Romnaldo.
Aucune poursuite judiciaire
Malgré le scandale, aucune action en justice n’est intentée : la société de Tom Scott était domiciliée au Costa Rica et les serveurs sur une réserve amérindienne au Canada.
Les joueurs floués ont récupéré 1,6 million de dollars, contre un préjudice de 10 à 16 millions selon les enregistrements secrets de Travis Makar (voir plus bas).
De son côté, Absolute Poker passé un accord avec les tricheurs : un témoignage complet contre une absence de poursuites.
De nouvelles révélations lors de l’audit de la Commission des jeux de Kahnawake
Le scandale déclenche un audit de la Commission des jeux de Kahnawake, qui confirme ce que certains joueurs soupçonnaient depuis longtemps : un réseau de joueurs d’Absolute Poker avait accès à un God Mode et voyaient donc les cartes des autres joueurs (contrairement à ce qu’a déclaré le site).
Au total : 117 pseudos détenus par 23 comptes différents. La grande majorité des adresses IP étaient associées à Russell Hamilton (ancien propriétaire du site Ultimate Bet) et les gains ont été transférés par les comptes joueurs appartenant à ce même Russell Hamilton.
Le site a été condamné à 500 000 $ d’amende et à 2 ans de probation. Pas grand-chose au vu des sommes escroquées.
En 2008, une enquête interne menée par le propriétaire d’Ultimate Bet, l’autre site du groupe Cereus Poker Network, a révélé des agissements du même type : une fraude entre mars 2006 et décembre 2007, avec 18 pseudos impliqués.
Travis Makar tente de laver son nom via ses enregistrements privés
Après les révélations fracassantes, l’affaire s’est rapidement calmée. Jusqu’à ce que des enregistrements de Travis Makar, l’ancien bras droit de Russel Hamilton, la remettent au goût du jour.
Les bandes datent de 2008. Elles révèlent les dessous de l’affaire via des conversations entre Russ Hamilton, Greg Pierson (ancien PDG d’ieLogic, le développeur du logiciel d’UB) et Daniel Friedberg (ancien avocat d’UB).
Parmi les sujets abordés : comment étouffer le scandale, faire porter le chapeau à Makar, mais aussi comment Hamilton a profité du God Mode.
Les enregistrements montrent aussi le degré de connivence d’un grand nombre d’acteurs de l’industrie du poker. Parmi eux : Jim Ryan (ancien PDG d’Ultimate Bet, puis de bwin.party), Joe Norton (PDG de Tokwiro Enterprises, propriétaire d’Absolute Poker) ou encore Paul Leggett (ancien gestionnaire de Cereus, aujourd’hui PDG de la division online d’Amaya Gaming).
Makar était considéré par Commission des jeux de Kahnawake comme partie prenante de la fraude, chose qu’il a toujours contestée.
La diffusion des conversations secrètes a donc eu pour but de laver son nom, mais aussi d’empêcher que la société lovation (qui appartient à Greg Pierson) ne puisse entrer sur le marché du Nevada.
Le scandale Absolute Bet a ébranlé le monde du poker en ligne et a forcé les sites à mettre en place un système de protection bien meilleur que celui qui avait cours jusqu’alors. Dans une certaine mesure, l’environnement sécurisé dont bénéficient les joueurs de maintenant est hérité de cette affaire.
Pour en savoir plus sur le scandale Absolute Bet, ne manquez pas le documentaire de Scott Bell réalisé en association avec DoubleHead Pictures. Ancien joueur pro, Scott Bell a passé plusieurs années à enquêter sur l’affaire pour en révéler les dessous au public.